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Entreprise : la Dictature du Bonheur ?

Rédigé par Chris | jeu.

Que se passe-t-il si on ne cède pas à la dictature du bonheur de son entreprise ? C’est précisément ce que va expérimenter Fred, à ses dépens.

Imaginez : C’est lundi, vous arrivez au travail le matin, et vous croisez Fred, votre nouveau collègue. Fred est arrivé il y a une semaine dans l’entreprise, il a été recruté pour piloter la R&D. Il a une expérience longue comme le bras, et vous savez que l’entreprise attend beaucoup de son arrivée.

Nouveau dans l’entreprise ?

Vous croisez donc Fred, au petit matin, et vous entamez la conversation :

– Vous : Bonjour Fred, ça va ?

– Fred : Bof, sans plus.

– Vous : Ah bon, il y a un problème ?

– Fred : Non, pas de problème, ça va juste comme d’habitude

Bizarre le Fred. Il n’est pas désagréable, mais bon, répondre « Bof, sans plus » quand vous lui demandez s’il va bien, cela vous fait bizarre. Enfin bon.

 Pas désagréable mais pas agréable non plus

La journée commence et après une heure de travail, vous retrouvez par hasard Fred au café. Poliment, vous discutez :

– Vous : alors, tu as passé un bon Week end ? Tu as fait quoi ?

– Fred : Samedi, j’ai bullé devant la télé, et dimanche, j’ai fait le ménage. Puis j’ai bullé devant la télé le reste de la journée. Comme d’hab quoi. Hier soir j’ai regardé Capital (c’était nul), et je me suis couché tôt,  parce que c’est pas tout ça mais si je dors peu le Week-End, j’arrive pas à travailler la semaine, et je dors devant mon écran. Ca m’arrivait souvent dans mon ancienne boite.

…vous êtes scotché. Fred ne dit rien de désagréable, et tout le monde a le droit de passer un Week-End normal, sans plus. Mais c’est vrai que la plupart de vos collègues utilisent tous les superlatifs existants pour vous expliquer à quel point leur vie est belle, et ils sont heureux. Et on peut pas dire que ce soit le style de Fred.

Réunion hebdomadaire atypique…

10h, c’est de la réunion hebdomadaire. Vous y participez ainsi que Fred, et votre directeur anime la réunion :

– Le directeur : « Alors, Frédéric, je vous propose de nous faire un petit point sur votre première semaine dans l’entreprise, vos impressions et votre premier plan d’action »

– Fred : Alors, c’est la première semaine, je n’ai pas tout compris de votre mode de fonctionnement, mais je pense qu’il y a plusieurs points à améliorer.

– Le directeur : Ah bon, à quoi pensez vous Frédéric ?

– Fred : Déjà, j’ai trouvé que vous ne parliez pas beaucoup entre vous, et que c’est vraiment dur de trouver l’information dont j’ai besoin. Mais bon, c’est le début. Pour les semaines qui viennent, si vous pouviez tous être un peu plus disponibles, j’apprécierais

– Le directeur : Il y a un problème, Frédéric ?

– Fred : Non, pas particulièrement, vous me demandez mes impressions, je vous les donne

– Le directeur : Euh… oui bon on en parlera tous les deux. Et concernant l’amélioration de nos produits ?

– Fred : J’ai mené ma petite étude dans mon entourage, et franchement, le produit que nous vendons me semble un peu raté. En fait, il n’est pas beau et il n’intéresse personne. Moi-même, je ne l’achèterais pas. J’ai travaillé sur les grosses améliorations qui me semblent nécessaires, et je vais vous les présenter

– Le directeur : ce ne sera pas la peine pour aujourd’hui, on en parlera tous les 2 à 18h30.

– Fred : Je ne peux pas, je serai parti à 18h30

– Le directeur : Et bien nous en parlerons demain. Merci Frédéric, passons au sujet suivant. »

Le soir même, Fred sera renvoyé. Le directeur dira qu’il ne faisait pas l’affaire.

 L’entreprise, la dictature du bonheur ?

Ca vous choque ? Mais vous, vous en avez pensé quoi de Fred ?

La plupart de vos collègues vous diront que Fred est un con désagréable.

Mais relisez bien ses propos : Fred n’est pas spécialement désagréable, simplement, il dit ce qu’il pense. Tout ce qu’il pense. Si son Week-End n’a pas été bon, il le dit. S’il trouve que produit phare de l’entreprise est nul, il le dit.

Et ça, dans l’entreprise, ça ne se fait pas.

 Ce qui se fait, c’est de dire qu’on va bien, même si on s’est disputé avec sa copine ou son copain, et que votre enfant vous a réveillé toute la nuit. Même déprimé, il faut avoir le sourire dans l’entreprise et faire croire qu’on est heureux dans la vie. Même si ce n’est pas vrai.

Ce qui se fait, c’est de dire qu’on est super attaché à son entreprise, qu’on se  reconnaît dans ses valeurs. Ce qui se fait, c’est de faire croire que votre métier donne un sens à votre vie, et que la réussite de votre entreprise fait votre bonheur. Même si ce n’est pas vrai.

Ce qui se fait, c’est de donner l’impression de se donner à fond, d’arriver tôt et de partir tard, même si vous êtes vous êtes sur Facebook ou Candy Crush la moitié de la journée.

Bienvenue dans le monde de l’hypocrisie.

Et oui, soyons francs : il y a une grosse part de « jeu de rôle » quand vous bossez dans une entreprise. Il y a des choses que vous pouvez dire, d’autres non, et vous devez être souriants le plus souvent possible. Surtout quand vous parlez au chef. Au lieu d’hypocrisie, je dirais qu’il faut mettre les « formes ».

Evidemment, toutes les entreprises ne sont pas comme ça, celle-ci est très caricaturale et l’exemple donné n’existe pas. Mais admettez qu’il y a du vrai dans ce portrait. Bien souvent, même si l’entreprise sera satisfaite si elle contribue à votre bonheur, elle ne fera pas grand chose si ce n’est pas le cas.

Faut-il fuire le monde de l’entreprise pour autant ? Ou devenir cynique ? Ce n’est pas vraiment mon avis.

Mon avis

Mon avis est que vous devez vous considérer comme dans un jeu de rôle. Votre rôle, c’est celui du poste qui vous a été attribué. Lorsqu’on vous critique, c’est votre rôle qu’on critique, pas vous (vous verrez, on accepte bien mieux les critiques). Quand on discute à la machine à café, c’est aussi et surtout pour créer du lien avec vos collègues. Même s’ils ne deviendront pas vos amis. Même s’ils vous disent qu’ils ont passé un bon Week-End alors que ce n’est pas vraiment vrai. Les bonnes relations sont nécessaires dans le travail à plusieurs. Quitte à ne pas dire tout ce qu’on pense.

Une entreprise doit tourner avant tout. Si les salariés sont bien dans leur poste et entretiennent de bonnes relations, c’est mieux. Mais avant tout, l’entreprise doit tourner, et pour cela, elle attribue des rôles. Vous êtes dans un jeu de rôle.

Et le point le plus important, dont je parle régulièrement sur ce site : Vous êtes bien plus qu’un employé de l’entreprise. Vous avez une famille, des amis, des valeurs, des centres d’intérêt qui n’ont rien à voir avec l’entreprise. Et c’est normal. Un poste qui vous plait peut contribuer à votre bonheur…mais ne suffira pas à faire entièrement votre bonheur. Oubliez les définitions génériques du mot bonheur, faites vous votre propre définition.

Ne renoncez pas à trouvez un sens à votre vie. Mais votre vie, c’est bien plus que l’entreprise.

PS : Si vous êtes vraiment décidé à ce que votre métier contribue à votre bonheur, il y a des étapes incontournables, à commencer par trouver votre Trésor Personnel (plus d’infos derrière ce lien)