Question de confiance ? Voici une petite histoire à propos d’un “actif” que nous avons tous personnellement, mais auquel beaucoup ne font pas attention : son capital confiance.
Jacques est auteur-écrivain. Il écrit des nouvelles. Il a maintenant un vrai succès et des grandes maisons d’édition l’approchent pour diffuser ses livres plus largement. Ca marche bien, pour Jacques, qui commence à vendre ses histoires comme des petits pains. Mais Jacques aimerait évoluer. Son rêve, c’est de faire de la bande dessinée. La BD, il adore, et il pense que c’est un support idéal pour révéler les histoires qui fourmillent dans sa tête. Le problème, c’est qu’il n’est pas dessinateur. Il va donc en chercher un.
Jusque ici, tout va bien. Mais Jacques connait les risques de travailler avec d’autres.
Et des toquards, il en a rencontré. Il n’a peut-être pas eu de chance par le passé, mais il n’a pas été épargné ! Et ce n’est pas facile de trouver des gens fiables. Certains disent oui mais ne font rien. D’autres prennent des engagements mais vous laissent tomber à la moindre difficulté. Et ça, Jacques le sait.
Jacques part donc en quête d’un illustrateur. Quelqu’un qui a la patte pour mettre en image ses histoires. Mais également quelqu’un digne de confiance.
Et Le truc, c’est que “Digne de confiance”, ce n’est écrit ni sur le visage, ni sur le CV des personnes qu’il rencontre. Alors Jacques procède avec méthode :
Le soir, Jacques discute de sa journée avec sa femme,et lui parle de François, et des renseignements qu’il est en train de récolter.
Sa femme réagit vivement : “Tu ne trouves pas que tu coupes un peu trop les cheveux en quatre ? Si François est un bon illustrateur, alors fonce ! “. Jacques a très envie de foncer…mais avant, il décide de passer un dernier coup de téléphone : il y a quelques mois, François a été illustrateur d’une BD qui s’appelait “Invincible instit”. Ecrite par Gauthier, cela parlait d’une jeune femme, institutrice le jour, et qui le soir venu, partait combattre des agresseurs d’animaux. La BD était vraiment bien (Jacques s’en était procuré un exemplaire), mais bizarrement, n’est jamais sortie en librairie. Jacques appelle donc Gauthier, pour le féliciter de sa BD, et pour lui parler de François. L’échange restera gravé.
…(téléphone)…
Jacques : J’envisage de travailler avec François sur un projet de BD, et comme vous avez monté “Invincible Instit’ ” avec lui je voudrais savoir si vous avez des conseils particuliers…
Gauthier : Laisse tomber
J : …Pardon ?
G : Laisse tomber je te dis, j’ai perdu toute confiance en lui.
J : Que s’est-il passé ?
G : Tout avait super bien commencé. Quand on a écrit la BD ensemble, ce fut vraiment un moment de plaisir, et il y avait vraiment du potentiel avec François. Nous nous étions mis d’accord sur un partage moitié-moitié des droits d’auteurs. J’avais senti à l’époque qu’il accordait une importance tout particulière à ce sujet, ce qui m’a semblé bizarre sur un projet nouveau ou le succès est très loin d’être garanti. Et c’est vraiment pas le plus important pour moi. Mais je ne me suis pas méfié. Et puis à la fin de la BD, je l’ai trouvé de plus en plus bizarre. Nous n’avions pas encore vraiment de signaux de réussite… mais lui en faisait une obsession. Et un soir, il a laché le morceau : L’ensemble de la BD avait été faite sur son ordinateur personnel, et il me mettait un ultimatum : fini le 50/50, maintenant, il voulait 60% des droits d’auteurs. Il avait tout, et me tenait par les c….. J’ai tout arrêté.
J : Vraiment ? Mais ne pouviez-vous pas arriver à un accord ? 60/40, ce n’est pas si loin de 50/50. C’était si important pour vous ?
G : Tu ne comprends pas. La confiance, c’est binaire. Soit tu as confiance en quelqu’un et tu fais des projets avec lui, soit tu n’as pas suffisamment confiance, et là, tu ne fais pas de projet. Bien sûr, on peut toujours trouver un accord. Mais quand il n’y a plus de confiance, on ne peut plus travailler ensemble.
J : Oui mais là, apparemment, vous vous êtes bien entendu avec François sur la BD. Au final, c’est vraiment une histoire qui a un potentiel !
G : Oui, je sais. Mais il y a des limites à ne pas dépasser. Et François l’a fait 2 fois. D’abord en transgressant un accord que nous avions passé, sans aucune raison manifeste. Puis en essayant de me faire chanter.
J : Et il n’y a aucun espoir pour que vous vous réconciliez ?
G : Aucun. On ne change pas les gens. François a beau être talentueux, ce qu’il a fait une fois, il sera capable de recommencer. La confiance, c’est binaire. Tu l’as ou tu l’as pas.
”
Jacques se donna une semaine pour réfléchir. Il a tout envisagé : tout écrire dans un document contractuel, pour qu’il n’y ait pas d’entourloupe ensuite. Mais Jacques n’arrivait pas à régler un point : comment pouvait-il faire confiance à quelqu’un qui n’en avait pas été digne avec d’autres personnes ? Et ça, personne ne pouvait y répondre.
Finalement, Jacques décida de ne pas travailler avec François. Etait-ce la bonne décision ? Il ne le saura jamais. Ce qu’il savait, c’est qu’il a bien retenu la leçon : La confiance, c’est binaire. On l’a ou on l’a pas assez.
Pour la petite histoire : François, le dessinateur de talent, a essayé de faire des BD dont il était 100% auteur. Mais comme il ne faisait pas de bons scénarios, ses BD ont fait un gros FLOP.
Cette histoire est fictive. François le dessinateur “maître chanteur” n’existe pas. Et Jacques le scénariste de talent non plus d’ailleurs. Mais on peut en tirer quelques enseignements :
PS : Les histoires, c’est mieux que les définitions, vous ne trouvez pas ?